Un développement durable conditionné au droit des femmes à disposer de leur corps.
Le développement durable, parce qu’il implique une triple exigence d’équité sociale, d’efficacité économique et de qualité environnementale, et impose le respect de principes fondamentaux, parmi lesquels la solidarité et la participation de chacun(e) à l’effort collectif, ne saurait être réalisé sans la contribution des femmes.
Le fait que les femmes, qui représentent la moitié de l’humanité, fassent l’objet de discriminations et de violences parfois extrêmes, constitue l’un des principaux freins au développement durable tel que défini plus haut.
C’est non seulement une question de justice, mais aussi d’efficacité dans la mesure où les femmes ont la responsabilité principale de la prise en charge des enfants, et qu’en outre, elles jouent, dans nombre de sociétés, un rôle social majeur dans la gestion des ressources naturelles (eau, énergie) et dans l’agriculture.
En conséquence, il est essentiel de mettre en œuvre des programmes visant à éliminer ces discriminations et ces situations de violence afin que les femmes soient des actrices économiques à part entière.
Ne pas passer à côté de l’essentiel
La complexité des implications culturelles, sociétales, économiques, juridiques, des programmes d’action relatifs aux rapports sociaux de sexe, nous fait craindre que les conférences à venir sur ces sujets n’aboutissent à de multiples propositions telles que celles déjà élaborées dans le passé. Le risque étant de passer à côté d’une exigence essentielle en amont de toutes les autres : la reconnaissance sans délai et sans réserves du droit fondamental des femmes à maîtriser leur corps.
Ainsi que cela est souligné dans un rapport auprès du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (Anand Grover, Rapporteur spécial au Conseil des droits de l’homme, sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, conformément aux résolutions 15/22 et 6/29 du Conseil des droits de l’homme (rapport présenté à l’AG des NU/A 66/254 : diffusion le 3 août 2011/Soixante-sixième session), il s’agit d’un droit à la santé que les États ont le devoir de respecter :
« La réalisation du droit à la santé implique la levée des obstacles qui entravent les décisions personnelles en matière de santé ainsi que l’accès aux services, à l’éducation et aux informations dans ce domaine, en particulier pour les états de santé qui affectent uniquement les femmes et les filles. Dans les cas où l’obstacle est érigé par une loi pénale ou autre instrument législatif, les États ont l’obligation de le lever. L’abrogation de ces lois et restrictions imposées par la loi n’est pas soumise à des contraintes de ressources et ne peut dès lors être considérée comme devant s’opérer uniquement de manière progressive. Les obstacles créés par le droit pénal et par d’autres lois et politiques qui affectent la santé sexuelle et génésique doivent dès lors être levés immédiatement afin de garantir l’exercice sans restriction du droit à la santé. »
Droits et développement durable vont de pair
Il est clair que les femmes ne peuvent devenir des actrices économiques à part entière que si elles sont en mesure de choisir le nombre d’enfants qu’elles souhaitent et le moment de les avoir.
Aujourd’hui, le lien entre démographie et niveau d’éducation des femmes est reconnu en Europe, l’inflexion de la croissance démographique a été structurée par l’accès à la contraception et à l’avortement, lié au niveau d’éducation des filles. Réciproquement, une démographie non contrôlée par les femmes concernées se traduit par l’abandon des études.
En ce qui concerne l’aspect environnemental, les dernières projections de l’ONU concernant la population mondiale montrent que les 10 milliards d’humains seront atteints en 2050. Or, même si nous savons que l’empreinte écologique d’un bébé bengali est bien inférieure à celle d’un bébé français, on ne peut pour autant contester que croissance démographique et déséquilibre des populations impactent gravement l’environnement. En outre, nombre de rapports internationaux montrent que, dans la majeure partie des pays en développement, ces déséquilibres associés au dérèglement climatique induisent un accroissement de la pauvreté des femmes, de leur insécurité alimentaire, et des violences à leur égard.
En conclusion, si la reconnaissance du droit des femmes à maîtriser leur fécondité, y compris en recourant à l’avortement, apparaît comme essentielle pour garantir leur autonomie, partout dans le monde, on constate que cette question est sous-estimée, marginalisée, voire exclue des sujets débattus dans nombre de rencontres internationales, sous des prétextes culturels religieux ou géopolitiques.
Or il ne saurait y avoir de développement durable sans le respect des droits fondamentaux des individus, au premier chef desquels, le droit des femmes à disposer librement de leur corps.
__________________