RESPONSABILITE, PRISE DE DECISION, ECONOMIE
UNE APPROCHE PROSPECTIVE DE LA PLATE-FORME D’ACTION DE BEIJING
Par JOANNA MANGANARA (13 novembre 2014)
Déclaration pour la 59e commission du Statut de la Femme.
L’Alliance Internationale des Femmes pense que Beijing+ 20 arrive à un moment historique, celui où les efforts internationaux majeurs pour les progrès du développement humain et ceux des droits humains convergent.
Cette Revue de la plate-forme d’action de Beijing est importante, car elle va renseigner le processus post 2015 de l’Agenda du Développement. Des tendances seront identifiées au niveau régional ainsi que les obstacles et les progrès dans sa mise en œuvre.
Elle permettra aussi d’insister sur la transformation des objectifs égalité femmes/ hommes, Droits Humains des Femmes et autonomie des femmes, ainsi que sur la demande d’intégration de l’égalité de genre dans tous les autres objectifs.
Bien que la force normative de la Plate-forme d’Action de Beijing ait été réaffirmée maintes fois, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour remplir pleinement les promesses du programme de Beijing.
Une des raisons en est que les Objectifs du Développement du Millénaire n’abordent pas les problèmes structurels et macro-économiques ni les politiques financières qui affectent la réalisation des Droits Humains et en particulier des Droits Humains des femmes.
C’est pourquoi le cadre Post 2015 doit assurer que le système financier international travaille à l’avancée de l’égalité femmes/ hommes, à l’autonomie des femmes et aux Droits Humains des femmes.
D’autre part les objectifs du Développement Durable proposés ne sont pas non plus suffisamment transformateurs, ambitieux ou basés sur les droits. Il n’apparaît dans les objectifs ciblés, que peu d’évocations explicites aux droits humains. Les droits humains eux-mêmes ne sont pas, ainsi que nous l’espérions, le cadre des Objectifs du Développement Durable et le manque d’engagement pour la pleine réalisation des droits humains des femmes de l’objectif 5 est particulièrement décevant.
Un autre défi dans la mise en oeuvre de Beijing + 20, est celui de la crise financière économique et sociale actuelle qui affecte la plupart des régions du monde et a beaucoup d’effets fâcheux sur les femmes.
Les travailleuses, des pays développés ou en développement payent un lourd tribut alors que la crise économique mondiale détricote leurs droits, y compris leurs droits à un travail décent, à leurs moyens d’existence et au bien-être de leurs familles et ce avec de lourds effets qui se prolongeront pendant toute une génération.
La crise économique a conduit à un ralentissement du progrès en faisant porter l’attention sur d’autres choses que les objectifs de l’égalité femmes /hommes, vers de soi-disant impératifs politiques urgents tels que l’établissement de mesures d’austérité.
L’égalité entre les femmes et les hommes devrait faire partie intégrante des plans de redressement qui doivent inclure la participation directe des femmes dans la prise de décision financière et économique, et celle d’économistes femmes dans la définition et la mise en œuvre de politiques touchant au redressement.
L’Alliance Internationale des Femmes est très inquiète de la non tenue des promesses de la Plate-forme d’Action de Beijing dont les plus importantes sont l’inégalité de genre et la féminisation de la pauvreté. Toutes deux ont été exacerbées par la crise économique/financière actuelle. Elles ont été aussi encore renforcées par le modèle de développement actuel basé sur la croissance, qui a été incapable de poser la question de la concentration du pouvoir et des richesses au sein et entre les pays.
Les femmes incluent la majorité des pauvres du monde. La majorité des travailleurs des secteurs les plus vulnérables – travailleurs domestiques, du vêtement et travailleurs en agriculture de subsistance – sont des femmes. Les femmes souffrent aussi des désastres climatiques, dont elles sont les moins responsables
Un Agenda du Développement post 2015 devrait aborder les facteurs structurels qui perpétuent les crises: inégalité, insécurité, violations des droits humains.
Les autres problèmes qui préoccupent L’AIF sont Les conditions de réalisation des droits humains des femmes, cruciales dans la lutte contre les causes structurelles de l’inégalité de genre et de la pauvreté qui incluent une pandémie de violence: La violence envers les femmes s’est transformée en épidémie dans certains pays. Les femmes sont non seulement violées mais aussi tuées. Il semble que dans bien des cas, l’état et son administration s’en moquent et dans un certain nombre d’occasions s’avèrent coupables. Le feminicide est la forme ultime de la violence envers les femmes et les filles. Pour en finir avec le féminicide, il est nécessaire d’en finir avec l’impunité et de faire passer leurs auteurs en justice.
La violence, notamment la violence sexuelle en situation de conflits armés et dans les contextes de post conflits se perpétuera tant que l’impunité pour ces violations flagrantes des droits humains persistera.
En dépit de l’augmentation croissante des femmes dans le monde du travail, celles-ci sont représentées de façon très disproportionnée dans le travail non-déclaré, qui s’avère généralement précaire, peu payé et non couvert par la législation du travail.
La promotion d’un travail décent dans l’Agenda du Développement post 2015 devra identifier et changer les facteurs structurels qui ont contribué à l’augmentation des emplois précaires et non déclarés.
Les femmes subventionnent la totalité de l’économie en faisant la plus grosse partie du travail domestique non payé, ainsi que celui des soins, du fait de la division sexuelle du travail.
Les stéréotypes discriminatoires de genre, ainsi que la crise financière perpétuent et renforcent la distribution inégale du travail des soins, et pour cela ont une incidence sur la possibilité pour les femmes de jouir d’une grande variété de droits qui y sont reliés. Le travail non rémunéré doit se retrouver dans les statistiques et les politiques, il doit être réduit par l’investissement public et redistribué afin d’être partagé équitablement entre les femmes et les hommes, éliminant ainsi les inégalités du contrôle des ressources et de la propriété.
La participation égale des femmes dans la prise de décision est un des domaines où le changement est le plus lent et le plus inégal selon les régions. Pour ce qui est de la prise de décision en économie, les femmes sont constamment absentes des prises de décisions clés des organismes qui influencent la distribution des ressources aussi bien dans le secteur public que privé.
Les droits à la santé sexuelle et reproductive ne sont pas encore acquis, ni l’apport d’une éducation sexuelle complète à tous les jeunes dans ou à l’extérieur du système scolaire. Ces droits doivent être une priorité claire dans l’Agenda du Développement post 2015.
Les droits des femmes à la participation, au maintien, à la consolidation de la paix, et à la reconstruction ne sont pas acquis, pas plus que la protection des femmes qui défendent les droits humains. Nous sommes navrées de voir que l’objectif sur les « sociétés pacifiques et cohésives « des Objectifs du Développement Durable n’incluent pas cette cible. il faudrait demander aux gouvernements la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de Sécurité et les résolutions subséquentes de l’Agenda Femme Paix et Sécurité et d’en faire le compte rendu en vertu de la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discrimination Envers les Femmes.
Enfin l’AIF voudrait insister sur la raison la plus importante de la non réalisation de la Plate-forme d’action de Beijing et des objectifs du millénaire: l’absence d’un cadre de surveillance participative et de mécanismes responsables pour l’évaluation de l’engagement de ceux en qui en ont la charge.
La responsabilité fait référence à l’obligation de ceux qui ont autorité pour agir d’être responsables de leurs actes, d’en répondre devant ceux qui en subissent les conséquences et d’être soumis à des sanctions si leur conduite ou leurs explications laissent à désirer.
La responsabilité,c’est autonomiser les gens, et notamment les femmes, pour qu’ils expriment clairement leurs priorités tout en prenant plus de contrôle sur leur vie.
La responsabilité, c’est surveiller que Les politiques locales, nationales et régionales de même que les politiques internationales soient effectives, et c’est fournir des données pour améliorer ces politiques
L’Alliance internationale des femmes va oeuvrer pour l’adoption et la mise en œuvre d’une surveillance participative et de mécanismes responsables qui rendront possible la tenue des promesses faites dans la Plate-forme d’ Action de Beijing et dans l’Agenda du Développement post 2015. Elle espère que cette fois les promesses faites par ceux dont c’est la charge, s’avèreront crédibles