NATIONS UNIES:
Joanna Manganara évalue les conclusions concertées de la 58ème CSF
Après deux semaines de négociations à New York la Commission du Statut de la Femme (CSF) s’est achevée sur des conclusions qui appelaient à une accélération des progrès pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement et qui confirmaient la nécessité d’un objectif spécifique dédié à l’égalité femmes-hommes et à l’autonomisation des femmes, parmi un ensemble d’objectifs internationaux qui seront introduits à l’expiration des Objectifs du Millénaire en 2015. Le texte conclut aussi à la nécessité d’intégrer l’égalité femmes-hommes et les droits des femmes dans des cibles et des indicateurs présents dans l’ensemble des objectifs de tout nouveau plan de développement.
Le compromis des Conclusions Concertées contient beaucoup de paragraphes progressistes, mais il ne va pas assez loin. Ainsi que l’a déclaré l’UE, les résultats de cette année devraient, espérons le, être développés l’an prochain.
Le texte ne présente aucun signe visant à inverser la façon habituelle de travailler, à transformer le cercle vicieux actuel du développement, basé uniquement sur la croissance économique qui alimente les inégalités, les dégradations environnementales et la marginalisation, en un cycle basé sur les Droits de l’Homme et la justice.
Par exemple le paragraphe 21 bis des Conclusions Concertées du 17/5/2014 demandait d’en finir avec le modèle économique actuel qui perpétue l’inégalité femme-homme et la pauvreté féminine sur l’idée que les crises successives en reflètent la nécessité. Ce paragraphe a été discuté uniquement afin qu’on puisse avoir des Conclusions.
Lors de la CSF il y a eu de grandes résistances à évoquer la notion Droits de l’Homme comme centrale au développement, ce qui veut dire qu’il est difficile d’être optimiste pour l’avenir, car aucun modèle de développement, ne peut être ” durable ” s’il ne fait pas référence aux Droits de l’Homme. Il faut absolument que, dans le futur, les états membres prouvent leur volonté politique de suivre une feuille de route transformative.
Cette question de volonté politique appuyée par des ressources adéquates a aussi été soulignée par le directeur exécutif de UN Phumzile Mlambo Ngcuka qui a déclaré que les Conclusions de la CSF étaient une étape vers un agenda de développement mondial transformatif mettant l’autonomisation des femmes et des filles en son centre.
Le ministre égyptien a aussi exprimé sa crainte que nous ne trouvions pas l’agenda 2015 bon pour les femmes.
Les conclusions sur un objectif spécifique n’ont pas été aisées en raison d’une opposition conservatrice, peu nombreuse, mais qui se faisait bien entendre. L’objectif spécifique reconnait qu’un développement durable et constructif doit s’attaquer aux sources de l’inégalité des genres qui dénie aux femmes et aux filles l’éducation, le droit de prendre des décisions sur leurs corps et leurs maternités, sur un emploi décent et une paie égale à travail égal, et de vivre à l’abri de toute violence.
Je vais à présent faire référence à la position de différents états et groupes d’états en ce qui concerne les points majeurs de controverse. Le Vatican a demandé d’enlever du document de la CSF, toute référence aux Droits des travailleuses du sexe, lesbiennes, gay, bisexuelles et transgenres et certains termes faisant référence à la santé et aux droits sexuels et reproductifs notamment ceux en relation avec l’avortement et l’éducation sexuelle. Il désirait aussi voir le document inclure une référence explicite à l’importance de la famille, c’est à dire au noyau familial dans son sens le plus traditionnel.
Le Mexique, l’UE et les autres états ont poussé pour famille dans ses différentes formes, foyers de parents isolés, familles dont le chef est un enfant ou une femme ou familles de même sexe, car le mot famille, ainsi utilisé, peut renforcer les rôles genres et stéréotypes: femmes ou épouses, mères ou ménagères
Mais au final, le langage adopté pour famille ne reconnait pas la diversité des familles.
Le Salvador, le Mexique, la Colombie, les Philippines et d’autres états ont pris parti pour l’inclusion de la situation spéciale des lesbiennes, bisexuelles et transgenres dans les Conclusions Concertées.
L’Argentine, le Brésil, l’Australie et les USA ont regretté qu’ orientation sexuelle et identité de genre (OSIG) n’aient pas été prises en compte.
L’Union Africaine a exprimé ses réserves sur la famille, l’éducation sexuelle des enfants, les paragraphes sur l’Assistance Officielle au Développement (AOD), qu’elles ont trouvés trop faibles, l’orientation sexuelle et l’identité de genre ainsi que la santé et les Droits sexuels et reproductifs.
Il est intéressant de noter que l’Afrique du Sud et l’Égypte se sont dissociées du groupe. L’Afrique du Sud a soutenu toutes les conclusions et en particulier celle sur l’éducation à la sexualité.
L’Union Africaine a cette fois encore ajouté une clause de souveraineté qui leur permet de signer le document final mais d’en ignorer les passages qui dérangent, en général les points qui pourraient potentiellement restreindre les pratiques culturelles et religieuses.
Une autre question sur laquelle l’Union Africaine a insisté, c’est la préséance des valeurs religieuses et éthiques, du contexte culturel et des convictions philosophiques ainsi que les diversités nationales et régionales sur l’universalité des droits en particulier les droits des femmes.
Ceci, selon eux, doit contribuer à la totale jouissance par les femmes de leurs droits pour parvenir à l’égalité, au développement et à la paix. Le texte final adopté est bien plus équilibré. Le vocabulaire insiste sur le devoir des états, quelque soit leur système politique, économique et culturel de promouvoir et protéger tous les droits et libertés fondamentales, tout en gardant à l’esprit la signification des particularités nationales et régionales et des divers contextes historiques, culturels et religieux.
Beaucoup d’états ont émis des réserves sur les droits et la santé sexuelle et reproductive ainsi que sur l’éducation sexuelle, comme la Russie, la Norvège, le Brésil. D’autres ont regretté que les droits sexuels n’aient pas été adoptés cette année et ont exprimé l’idée qu’il allait falloir travailler l’an prochain pour les faire accepter.
La Chine a soutenu l’idée d’objectif spécifique et de souveraineté nationale, tandis que les USA ont regretté que le rôle crucial des femmes dans les solutions pour le changement climatique n’ait pas été souligné.
Les paragraphes en langage le plus énergique se rapportent à la violence envers les femmes et les filles. Il y a eu accord sur l’élimination de toutes les pratiques néfastes, y compris les mariages d’enfants, les mariages forcés et précoces, et les mutilations génitales féminines. Il a été aussi été demandé l’élimination et la prévention de la violence ainsi que la mise en justice des coupables.
Un langage fort a aussi été utilisé dans les paragraphes qui faisaient référence au soutien aux droits et à la santé sexuelle et reproductive des femmes.
Plusieurs références explicites au droit des femmes à l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive de qualité, incluant contraception d’urgence, informations et éducation, avortements sûrs quand la loi les permet, prévention et traitements des maladies sexuellement transmissibles et du sida ont été faites.
De plus les Conclusions appellent à la reconnaissance des droits des femmes à décider en toute liberté et de façon responsable de ce qui concerne leur sexualité et ce, sans coercition, discrimination ni violence.
Les gouvernements ont reconnu que les progrès pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement ont été freinés par la persistance des relations de pouvoir inégales entre les femmes et les hommes et ils en appellent aux gouvernements afin qu’ils s’attaquent aux pratiques, lois et croyances discriminatoires de la société qui affaiblissent l’égalité Femmes-hommes, et pour qu’ils renforcent les mécanismes de responsabilité afin que les femmes puissent jouir de leurs droits.
Les groupes féministes ainsi que les organisations de femmes et de communautés se sont faites reconnaître en plaçant leurs sources d’intérêts et la vision des femmes au niveau des agendas nationaux, régionaux et internationaux.
Les Conclusions Concertées ont reconnu publiquement le rôle important et légitime des défenseur(e)s des droits des femmes pour ce qui concerne la promotion et la protection des Droits de l’Homme et demandent des mesures effectives appropriées pour leur protection.
En définitive, je pense que nous devrions commencer à travailler sur une question de grande ‘importance: Comment les féministes et les organisations de femmes pourraient participer à la préparation, à la mise en oeuvre, au monitoring, et aux mécanismes de responsabilité des processus du développement, ainsi qu’à l’objectif spécifique dédié à l’égalité femmes-hommes, à l’autonomisation des femmes et à leurs droits et à son intégration dans l’ensemble des objectifs de l’agenda post 2015