La situation des femmes en prison

INTRODUCTION:

La prison et les règles qui définissent son usage sont un miroir tout à fait  adéquat de la société, car la prison est le lieu où les structures oppressives de l’État se trouvent cristallisées.

Le système carcéral a été  intensivement étudié car il soulève un certain nombre de problèmes clés. Le problème de la récidive est  constamment mis en évidence lors des discours publics;  la plupart des processus de réintégration échouent; les moyens de privation de liberté dégénèrent,  la plupart du temps, en traitements cruels, Inhumains ou dégradants.  La situation des femmes en prison demeure largement sous étudiée, alors que la torture et les mauvais traitements en détention sont depuis longtemps une source de grande inquiétude. La dimension genre du problème n’a pas été suffisamment explorée.

Un peu plus d’un million de femmes et de jeunes filles  dans le monde, sont en centres pénitentiaires. Elles représentent  entre 2 et 9 % de la population carcérale. (1). En tous lieux  les femmes représentent une minorité de la population carcérale nationale, alors qu’elles représentent  la moitié de la population mondiale. La prison peut, en effet, être assimilée à une “maison d’hommes” selon la définition donné par Maurice Godelier (1982): un espace monosexuel contribuant à la production et à la consolidation de l’identité et des privilèges masculins qui y sont attachés. (2). Et bien que les femmes soient rarement sanctionnées – environ deux fois moins que les hommes – par des décisions qui impliquent la privation de liberté, elles sont confrontées à de multiples discriminations dans les prisons.

LE FACTEUR INCARCERATION DES FEMMES DANS DES SOCIETES PATRIARCALES.

Il y a quelques facteurs communs à la détention des femmes: dans l’ensemble elles ont commis des  délits mineurs  non violents; elles viennent de  milieux sociaux désavantagés  et marginalisés;  souffrent de désordres mentaux,  d’alcoolisme ou d’addiction à la drogue. La détention des  femmes est souvent liée à la pauvreté,  qui d’une part est cause de délinquance et d’autre part les prive de la capacité financière à accéder aux services légaux, à payer une amende ou  une liberté sous caution. (3)

Dans un certain nombre de pays aux lois discriminantes,  les causes diffèrent. Par exemple le rapport sur la situation des femmes détenues au Sénégal (2015) note que les infractions qui amènent à la détention (…) révèlent qu’après le trafic de drogue (31 %)  l’infanticide est la cause principale de l’incarcération des femmes  (16 %) (4).  À l’époque des vérifications, 3 % des femmes étaient en détention pour cause d’avortement (5).  En Ouganda jusqu’en avril 2007, les femmes jugées coupables d’adultère étaient soumises à une amende ou à une peine de prison.

Les femmes peuvent aussi être détenues pour des délits  dont elles sont les victimes afin de se protéger de la violence de genre. C’est le cas des femmes qui ont été  violées ou qui sont à risque de l’être ou sont exposées à des violences de la part de parents désireux de les empêcher de témoigner. Ceci s’applique aussi  a des femmes qui ont  enfreint les règles strictes de la coutume, de la tradition ou de la religion et courent  alors le risque d’être victimes d’un  “crime d’honneur”  (7). Dans certains pays, des victimes de la traite peuvent aussi être détenues  dans un but de protection. Par exemple, en Jordanie les femmes étaient à risque d’être victimes de crimes d’honneur et pouvaient  être gardées en prison jusqu’à 14 années (8). La détention  peut aussi avoir pour but d’assurer le témoignage des femmes.

De plus, ces pratiques ont pour effet d’infliger  d’autres traumatismes aux victimes et de les empêcher de porter plainte. Elles peuvent même constituer une forme de torture ou de mauvais traitement. (10).

TOUS EGAUX DEVANT LA LOI INTERNATIONALE

Selon l’OMS, l’incarcération présente un danger pour la santé: le statut sanitaire des détenus est généralement largement inférieur à celui du reste de la population (11) toutefois, tout un arsenal légal s’est construit autour de la privation des libertés, aussi certains droits fondamentaux sont-ils respectés:

Les articles 10 et  10.3 du Pacte  Relatif aux  Droits Civils et Politiques disent que “toute personne privée de  sa liberté doit être traitée avec humanité et avec le  respect de la dignité inhérente de la personne humaine”. L’article 5 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme dit que” nul ne sera soumis à la torture ni  à  des peines ou traitements cruels,  inhumains ou dégradants.”

Le paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention contre la Torture et Autres Peines ou Traitements Cruels,  Inhumains ou Dégradants demande aux états “d’interdire dans tout territoire sous sa juridiction d’autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture telle  qu’elle  est définie à l’article premier, lorsque de tels actes sont commis  par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel”. D’autres instruments internationaux ont été produits  tels que : l’Ensemble de Règles Minima pour le Traitement des Détenus”(1955), l’Ensemble de Principes pour la Protection de Toutes les Personnes Soumises à une Forme Quelconque de Détention ou  d’Emprisonnement” (1988).  la Convention Européenne pour la Prévention de la Torture et des Peines ou Traitements Inhumains ou Dégradants (1987), les Principes Fondamentaux relatifs au Traitement des Détenus (1990).  En 1985 la Commission des Droits de l’Homme a mis en place un Rapporteur Spécial pour la torture.

Pourtant tous ces règlements ne dissocient pas les hommes des femmes. Au contraire “mettre des gens en situation d’inégalité, sur un pied d’égalité, perpétue l’ injustice au lieu de l’éradiquer (12).  C’est pourquoi une véritable égalité ,implique que des mesures spécifiques soient prises afin d’éradiquer les inégalités existantes.

LES REGLEMENTS INTERNATIONAUX QUI PRENNENT EN COMPTE LA SPECIFICITE DES FEMMES EN PRISON

La Déclaration sur l’Elimination de la Violence envers les Femmes inclut dans sa définition de “violence envers les femmes” “la violence  physique, sexuelle et psychologique” perpétrée ou tolérée par l’Etat,  où qu’elle se produise”

Si les règlements Nelson Mandela (Ensemble de Règles  Minima des Nations Unies  pour le Traitement des Détenus) ont déjà fourni la règle 6 : (1) “les règles suivantes seront appliquées avec impartialité. Il n’y aura pas de discrimination fondée sur la race,  la couleur, le sexe” et la règle 53 (2) “Nul membre  du personnel, de sexe masculin ne pourra entrer  dans la partie de l’établissement réservée aux femmes s’il n’est accompagné d’une femme officier. ” Appelant à une stricte séparation des sections,  le 21 décembre 2010, l’Assemblée Générale des Nations unies a fait un pas en avant très important en ce qui concerne les besoins et les caractéristiques des femmes dans le système judiciaire criminel. En adoptant par consensus la résolution A/RES/65/ 229  elle a approuvé les règles des Nations Unies sur le Traitement des Femmes en prison et des mesures Non privatives de Liberté pour les Délinquantes (connues sous le nom de Règles de Bangkok). Cs règles ont rempli un vide  du droit international reconnaissant les particularités et les besoins des délinquantes et en proposant des moyens pour y remédier.

Mais le fait qu’il y ait un vide entre les ordonnances de la loi et la pratique est un problème constant.

UN GRAND VIDE ENTRE LE DROIT INTERNATIONAL ET LA SITUATION DES FEMMES INCARCEREES

Femmes avec peu de ressources ou ayant   une vie  similaire.

Les femmes en institutions pénitentiaires sont en général des femmes seules, pauvres, mères  issues  de minorités.  Au Canada,  les femmes  jeunes,  peu éduquées,  sans travail  ou à faibles revenus sont surreprésentées par rapport  à leur proportion dans la population. Deux tiers des détenues des pénitenciers fédéraux sont mères et plus des trois quarts de ces mères sont mères célibataires. Une fois incarcérées  Seules,  20 % d’entre elles peuvent s’appuyer sur des membres de leur famille pour s’occuper des enfants pendant leur absence, alors que 80 % des pères incarcérés peuvent confier leurs enfants à une épouse ou un membre de leur famille.

De plus, des études ont montré que les femmes ont  des besoins plus importants que les hommes en santé mentale lorsqu’elles sont placées en  détention, souvent par suite de violence domestique, de violence ou d’abus sexuels. Une fois en détention, les femmes sont plus à même de souffrir de détresse psychologique que les hommes détenus

.Il faut aussi souligner que, puisque les troubles mentaux peuvent être considéré comme à risques, les femmes à handicaps mantaux  sont souvent placées dans des unités à niveau de sécurité supérieur à celui requis, qui peuvent être extrêmement préjudiciables à leur bien-être mental et peuvent empirer leur condition. Les femmes peuvent avoir besoin de soins de santé mentale dès qu’elles sont détenues ou peuvent développer des problèmes mentaux en prison.  Elles constituent alors un groupe à haut risque car le confinement en cellule peut avoir des effets psychologiques nuisibles. Les femmes à handicaps mentaux sont très vulnérables à la violence car  elles peuvent ne pas avoir l’équilibre psychologique nécessaire pour se protéger ou se défendre.  Elles peuvent n’être pas capables de déterminer quand certaines limites sont franchies et leurs plaintes ne pas être très prises au sérieux (15);

Fréquence de l’addiction à la drogue et syndromes post-traumatiques

Les infractions liées à la drogue sont les infractions les plus nombreuses commises par les femmes et la drogue est souvent la cause première de leur comportement  délictueux. La recherche indique aussi  que les détenues ont plus de risques d’addiction aux drogues dures que les  détenus (16). Par exemple, on estime qu’au moins 75 % des  femmes qui arrivent en prison en Angleterre et au pays de Galles ont des problèmes relatifs à l’usage de la drogue au moment de leur arrestation.  Une autre estimation avance que 75 % des femmes qui arrivent  dans les prisons européennes ont  un problème avec la drogue et l’alcool (17). Lorsque l’abus de drogue n’est pas traité  en détention il y a un gros risque de nouveaux actes délictueux, comme des  délits liées à la drogue, au vol ou à la  prostitution afin de financer la dépendance (18).

Risques liés à la détention

La séparation des hommes et des femmes et l’affectation d’un personnel exclusivement féminin à  la surveillance des détenues sont des garanties fondamentales contre la violence. Les détenues sont à risque de violences sexuelles lorsqu’elles sont surveillées par du personnel de sexe masculin.  Ces actes peuvent inclure, dans le meilleur des cas qu’on puisse épier les détenues dans leur cellule,  les douches ou les toilettes ou  pénétrer dans leur cellule quand elles sont déshabillées (19), et au pire, de les obliger à une  relation sexuelle en échange de biens ou de services ou à une normalisation du viol(20). Les fouilles corporelles, en particulier les fouilles à nu  et les fouilles les plus intimes (21) sont pratiques courantes et peuvent constituer une forme de  violence quand elles sont injustifiées, humiliantes ou discriminatoires. C’est notamment le cas des examens vaginaux routiniers de femmes suspectées de  trafic de drogue. (22).

Il est aussi habituel que Les femmes qui refusent de se soumettre à une fouille à nu ou à une fouille plus intime doivent rester isolées ou privées de visites en guise de représailles (23).  De plus, comme depuis leur plus jeune âge elles ont intériorisé l’idée d’un privilège sexuel male en ce qui concerne le sexe,  les détenues ont augmenté les services sexuels avec l’idée d’y être  obligées et par peur de représailles (24).

Dans bien des pays les victimes de la traite sont mises en prison et inculpées pour prostitution, pour entrée illégale dans le pays, pour résidence  ou travail illégal en dépit des conventions internationales qui demandent aux états de protéger les victimes de traite, en fait d’éviter qu’elles ne redeviennent victimes. Quand elles sont placées en détention, ces  femmes sont particulièrement vulnérables car elles  sont associées au commerce du sexe ou sont  ostracisées pour leur soi-disant promiscuité sexuelle (25).

Des conditions sanitaires déplorables

Les Règlements les Prisons Européennes prescrivent qu’un budget spécial soit réservé aux besoins sanitaires des femmes (19.7),  cependant en pratique les autorités pénitentiaires ne fournissent pas de serviettes hygiéniques ou  ne les concèdent que sous conditions médicales limitées et  les femmes peuvent en être privées en guise de punition (26).

De même, l’apport nutritionnel est largement insuffisant dans certaines institutions, ainsi que le montre le rapport sur la situation du droit des femmes dans les lieux de détention du Sénégal.  Bien que les règles minima pour le traitement des détenues recommande  des heures de repas régulières,  un régime de bonne qualité, bien préparé et servi,  avec des valeurs nutritionnelles suffisantes pour maintenir leur santé et leur force,  le très petit subside attribué par l’État ne peut fournir qu’un repas par jour à chaque détenue. Résultat  seules les détenues dont les familles ont les moyens de leur envoyer des repas  peuvent compléter la faible ration journalière de façon plus ou moins satisfaisante (27). Dans ce contexte, la situation des  détenues étrangères ou des personnes détenues dans des localités où elles n’ont pas de famille ni de connaissances  est spécialement préoccupant.

Lieux de détention: Une source de multiples discriminations pour les femmes.

            Établissements  géographiquement  marginalisés

Comme la majorité des détenus sont généralement des hommes, dans la plupart des pays les prisons ont été conçues  pour répondre à leurs besoins, Pourtant , des femmes sont souvent détenues dans des sections de ces mêmes établissements. Par exemple en France il y a 190 prisons éparpillées sur le territoire mais seules deux prisons sont réservées aux femmes (28), et quelques pays européens n’ont qu’une prison réservée exclusivement aux femmes (29). II en résulte, qu’elles sont souvent placées en établissements  situés loin de leurs communautés et familles.  Celles-ci ont à faire de longs trajets pour visiter leurs parentes détenues et les visites sont d’autant plus difficiles lorsqu’il y a peu de transports publics,  qu’ils sont chers  ou non existants ou que les femmes ne sont pas autorisées à voyager seules.

Les visites sont cruciales pour l’équilibre psychologique d’une personne détenue et  elles sont un moyen d’obtenir de la nourriture, des médicaments ou d’autres éléments essentiels quand les moyens sont limités et que les autorités ne fournissent pas le nécessaire.

Moins d’accès aux infrastructures

Le fait que les femmes soient moins nombreuses soulève un certain nombre de problèmes aux administrations des prisons. Les règlements et les aménagements ont été conçus pour accueillir une population  dont les détenus males sont considérés comme  la norme. Le principe de la stricte séparation entre les hommes et les femmes rend encore plus difficile la tâche de s’en occuper. Il est nécessaire de trouver des moments pour elles, ce qui,  de fait, limite leur accès aux services communs tels que la bibliothèque, Le gymnase et même l’unité médicale.

Le manque d’infrastructures peut aussi être expérimenté à  l’extérieur de la prison. Les mesures de libération précoce envisagées en cas de prison surchargée  ne sont pas accessibles aux femmes dans la plupart des cas, car elles  n’ont pas d’endroit où aller et par exemple aucun centre de réhabilitation  ne peut les  accueillir.

Accès limité à la formation

Dans beaucoup de pays les programmes pour les femmes sont moins variés et de qualité moindre que celles prévues pour les prisonniers mâles; de plus quand ces  programmes sont proposés il sont centrés sur des compétences généralement associées aux femmes,   comme la couture,  la cuisine, la beauté ou la coiffure.

Enfin, il est proposé aux hommes en prison  un plus large éventail de programmes récréatifs ou éducatifs et de projets générateurs de revenus qu’aux  femmes détenues et ils ont plus d’opportunités de sortir pour travailler hors de la prison (30).  Cette observation est le reflet d’une tendance plus générale qui souligne que le manque de programmes prévus pour les femmes est dû au fait que les femmes détenues sont moins nombreuses que leurs homologues masculins  et ceci signifie parfois qui n’est pas considéré comme viable de créer un atelier qui leur soit exclusivement réservé.

Une tendance vers la marginalisation qui risque d’aggraver l’emprisonnement

Le manque de capacité d’accueil ou de lieux spécifiques réservés aux femmes,  l’obligation de séparer les catégories de détenues ( en instance de jugement/ jugées; courtes/longues peines) ou la présence d’une seule  détenue dans un établissement peut conduire  au fait qu’une femme se retrouve placée pour de longues périodes, dans une unité de détention soumise à un régime extrêmement strict, parfois proche  de l’isolement(31), bien qu’il ait été établi en maintes occasions que  l’isolement peut conduire a de sérieuses perturbations psychologiques et parfois physiologiques.

La Déclaration d’Istanbul recommande  que “l’utilisation de l’isolement dans les prisons soit utilisée a minima” . Elle spécifie aussi que cette pratique doit être absolument prohibée, notamment dans le cas de prisonniers souffrant de maladies mentales.

De plus, comme elles ont peu de femmes détenues, ces institutions reçoivent des détenues jugées pour une grande variété de délits et le traitement qui leur est administré est toujours dicté par des impératifs de sécurité maximum. Les détenues les plus dangereuses sont aussi, souvent incarcérées avec les autres (32). Ce classement inadéquat empêche souvent l’accès des femmes à des programmes pendant une grande partie de leur sentence, ce qui peut réduire leur chance de réintégration réussie à la société.

Ces facteurs peuvent aider à expliquer le fait  que les taux de suicide et d’automutilation sont supérieurs chez les femmes détenues. De plus, en France, de petites unités de femmes n’ont  en général pas de “quartier d’accueil” (33) soit, une zone de transition qui permet aux nouvelles détenues de s’adapter à la privation de liberté de la prison, et selon certaines études, il y a bien plus de risques d’automutilations et de suicides lors de la période qui suit immédiatement l’admission en détention (34). D’autre part,  selon les recherches de l’Institut National de l’Administration Pénitentiaire du Ministère de la Justice Américain,  50 % des suicides en prison  se produisent dans les 24 heures et 27% lors des trois premières heures.

La situation des mineures:

Dans les lieux de détention,  les filles représentent le groupe le plus vulnérable du fait  de leur âge,  de leur sexe et de leur minime importance numérique. La plupart des systèmes pénitentiaires dans le monde n’ont pas de politique ni de programme spécialement conçus pour leurs besoins spécifiques, et ce, notamment, en termes de protection. Elles sont de ce fait, placées dans les mêmes quartiers que les femmes adultes.  Des jeunes filles  peuvent être violentées  par des femmes plus âgées et des membres  du personnel.  Le Parlement Européen en appelle aux états dans sa résolution du 13 mars 2008 pour “en finir avec  l’incarcération des filles et des garçons de 18 ans ou moins, dans des centres de détention pour adultes”

De plus,  la majorité d’entre eux  étant soumise à des maltraitances et des violences,  ce qui a favorisé leur passage à la délinquance, les besoins spéciaux nécessaires à leur santé mentale et physique ne sont généralement pas reconnus et l’ incarcération elle-même est susceptible d’aggraver leur trauma;  dépression, anxiété et le risque de suicide et d’automutilation sont plus prononcées chez les filles que chez les garçons ou les adultes (35).

REPENSER LA PROCEDURE PENALE  A TRAVERS  LE PRISME DU PATRIARCAT

Après avoir passé en revue la différence entre la loi et son usage dans plusieurs pays, il nous faut à présent examiner la façon dont  le contrôle pénal est basé sur des conceptions du ” masculin” et du “féminin” qui biaisent en partie les résolutions adoptées par les institutions Internationales ou  régionales telles que celles de l’ONU,  du Parlement européen et de tous les documents rédigés (rapports d’information, résumés) par d’autres structures institutionnelles telles que l’Assemblée Nationale ou le Sénat en France. En effet, l’administration judiciaire ferme les yeux  sur les comportements délictueux des femmes qui se plient aux idées de ce qu’on attend du rôle d’une femme,  mais sont plus sévères envers celles  qui s’y refusent. Par exemple, nombre de filles peuvent avoir commis plusieurs délits sans être sujettes à des poursuites judiciaires, ce qui est beaucoup plus rare pour des mineurs de sexe masculin; c’est pourquoi les filles ne sont plus désignées sous l’appellation de  délinquantes mais en tant  que “mineures en danger”  et elle demeurent dans la sphère civile (37).

Ceci peut s’expliquer par la conception du rôle de femelle, qui continue à  perpétuer les femmes détenues dans leur rôle de mères, y compris dans les  documents officiels. Les discours sont gouvernés par l’assomption que la maternité serait la spécificité des femmes détenues.

Le rapport d’activité du Sénat français (2009) stipule que les prisons françaises” ne prennent pas en compte de façon spontanée les besoins spécifiques et les spécificités des femmes: l’importance des liens familiaux, la pudeur et le respect de l’intimité.

Le Commentaire sur les Règles de Bangkok parle de “mères” et  des besoins émotionnels de leurs enfants pour des contacts physiques étroits dans sa Règle 28.

En prison, l’exemple de “pouponnières” ou d'”unités mères-enfants” est particulièrement signifiante. L’identification des catégories de “mères détenues avec leurs enfants” et de “femmes enceintes” est accompagnée de moyens législatifs spécifiques et avantageux.  Incarcération ne signifie pas seulement jugement, pour elles, mais apprentissage de leur “métier” de mères,  ce qui est d’ailleurs vu comme le premier pas de l’intégration à la société. En même temps,  rien n’est prévu pour généraliser l’accès a des formations ou des activités dans l’établissement même si  ces  mères  en ont le désir.

En effet, dans la mesure où le maternel- féminin opère comme une catégorie normative, cela contribue à produire d’autres types d’inégalités entre les femmes: entre celles qui remplissent les attentes liées à leur sexe et les autres. Enfin, les rapports parlementaires consacrent  plus de la moitié des quelques pages attribuée aux femmes détenues à examiner la situation des mères  enfermées avec leurs enfants, et ces  textes sont fortement marqués par les valeurs traditionnelles sur la place de la femme dans la société.

Les institutions de ce fait  participent grandement et ouvertement à la  construction  des genres et au maintien des structures d’oppression.

Ce texte est dû aux recherches et à la rédaction d’Elise Pillet , stagiaire au secrétariat de la présidente de l’AIF à Athènes;  sous la supervision de Joanna Manganara, présidente de l’AIF.

 

[1]  Julie Ashdown et Mel James, Les femmes dans les lieux de détention, Revue internationale de la Croix-Rouge, 2010

[2]  Joël, Myriam. « Conduites sexualisées et pouvoir dans les prisons de femmes », Hermès, La Revue, vol. 69, no. 2, 2014, pp. 65-70.

[3] Penal Reform International, fiche pratique sur la réforme pénale No 3, 2008, available here : https://www.penalreform.org/wp-content/uploads/2013/06/brf-03-2008-women-in-prison-fr.pdf

[4] L ’infanticide et souvent le résultat de situations de discrimination ou de violence préexistantes,  incluant des grossesses résultant d’actes de violences sexuelles. Le taux important de condamnations pour infanticide s’explique aussi en partie par l’interdiction totale d’interruption volontaire de grossesse pour laquelle la condamnation à cinq ans de prison peut être prescrite par la loi.

[5]  Rapport sur la situation des droits des femmes dans les lieux de détention au Sénégal, Dakar, mars 2015, available here : http://www.westafrica.ohchr.org/IMG/pdf/rapport_femmes_detention.pdf

[6] Penal Reform International, fiche pratique sur la réforme pénale No 3 , 2008, available here : https://www.penalreform.org/wp-content/uploads/2013/06/brf-03-2008-women-in-prison-fr.pdf

[7] Penal Reform International, outil pratique, Femmes privées de liberté :  inclure la dimension genre dans le monitoring Penal reform international, 2013, available here : https://www.apt.ch/content/files_res/women-in-detention-fr.pdf

[8] Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Manfred Nowak, Doc. ONU A/HRC/7/3,  15 janvier 2008, §43.

[9] Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), Dignity and Justice for Detainees Week: Information Note N° 5, Genève, 2008, p. 2.

[10] Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 5 janvier 2016, A/HRC/31/57

[11] Organisation Mondiale de la Santé (Europe), Prison Health as part of Public Health, Déclaration de Moscou, 24 octobre 2003.

[12] Office du Haut Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies, Fiche d’information n° 22 : Discrimination à l’égard des femmes : La Convention et le Comité, Genève, undated.  (translation by the author)

[13] Lempen, Karine. « Société Élisabeth Fry du Québec : La justice pénale et les femmes », Nouvelles Questions Féministes, vol. vol. 34, no. 2, 2015, pp. 120-123.

[14] Julie Ashdown et Mel James, Les femmes dans les lieux de détention, Revue internationale de la Croix-Rouge, 2010,

[15] Penal Reform International, outil pratique, Femmes privées de liberté :  inclure la dimension genre dans le monitoring Penal reform international, 2013, available here : https://www.apt.ch/content/files_res/women-in-detention-fr.pdf

[16] Commentary to the United Nations Rules for the treatment of women prisoners and non-custodial measures for women offenders (the Bangkok Rules), 2009, available here : https://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/Bangkok_Rules_ENG_22032015.pdf

[17] OMS/Europe, La santé dans les prisons, le Guide de l’OMS sur la santé en prison (2007) et Les femmes en prisons, un examen des conditions dans les États membres du Conseil de l’Europe, Conseil Quaker des a aires européennes, p. 12

[18]Ibid.

[19] Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 5 janvier 2016, A/HRC/31/57

[20] Penal Reform International, outil pratique, Femmes privées de liberté :  inclure la dimension genre dans le monitoring Penal reform international, 2013, available here : https://www.apt.ch/content/files_res/women-in-detention-fr.pdf

[21]“Strip research” consiste pour une personne, à enlever ou soulever tout ou partie de ses vêtements de façon à permettre une inspection visuelle des parties privées de son corps. “intrusive body searches” implique une inspection physique des parties génitales  ou annales.

[22] Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 5 janvier 2016, A/HRC/31/57

[23] Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 5 janvier 2016, A/HRC/31/57

[24]Joël, Myriam. « Conduites sexualisées et pouvoir dans les prisons de femmes », Hermès, La Revue, vol. 69, no. 2, 2014, pp. 65-70.

[25]  Assemblée générale de l’ONU, Protocole additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, 15 novembre 2000

[26] Penal Reform International, fiche pratique sur la réforme pénale No 3, 2008, available here : https://www.penalreform.org/wp-content/uploads/2013/06/brf-03-2008-women-in-prison-fr.pdf

[27]Rapport sur la situation des droits des femmes dans les lieux de détention au Sénégal, Dakar, mars 2015, available here : http://www.westafrica.ohchr.org/IMG/pdf/rapport_femmes_detention.pdf

[28] European Prison Observatory, Prison conditions in France, Marie Crétenot, Barbara Liaras, 2013

[29] Resolution 1663 (2009), Women in prison, Council of Europe, available here : http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-en.asp?fileid=17733&lang=en 

 [30]  Julie Ashdown et Mel James, Les femmes dans les lieux de détention, Revue internationale de la Croix-Rouge, 2010

[31] Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), Fiche thématique – Janvier 2018

[32] Rapport d’activité de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, n° 156, 11 décembre 2009

[33] Rapport d’information de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée Nationale, n°1900 par M. Guénhaël HUET, 8 septembre 2009.

[34] Commentary to the United Nations Rules for the treatment of women prisoners and non-custodial measures for women offenders (the Bangkok Rules), 2009, available here : https://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/Bangkok_Rules_ENG_22032015.pdf

[35] Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 5 janvier 2016, A/HRC/31/57

[36] Cardi, Coline. « Le contrôle social réservé aux femmes : entre prison, justice et travail social », Déviance et Société, vol. vol. 31, no. 1, 2007, pp. 3-23.

[37] Ibid.

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